Lors de la dernière élection présidentielle, en France, trois candidats sur dix étaient membres du Parlement européen – Eva Joly, Marine Le Pen et JeanLuc Mélenchon ayant tous été élus ou réélus lors des élections européennes de 2009. Mieux. Les six principaux candidats à la présidence de la République étaient ou avaient été membres du Parlement européen – François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy ayant siégé, il est vrai peu de temps, durant la cinquième législature.
Les organisations intergouvernementales européennes restent trop souvent analysées de manière isolées les unes des autres. Cet article entend au contraire illustrer le processus d'institutionnalisation du champ du pouvoir européen en prenant pour objet les interdépendances évolutives entre ces différentes organisations. En analysant le recrutement parlementaire des quatre assemblées supranationales du Conseil de l'Europe, des Communautés européennes, de l'Union de l'Europe occidentale et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord des années 1950 aux années 1970, cet article montre que le cumul des sièges au sein de ces assemblées tend à décroître au fil des années, contribuant à l'autonomisation de ce qui est alors rebaptisé « Parlement européen », ainsi qu'à la socialisation d'un nombre toujours croissant de parlementaires nationaux à la politique européenne supranationale. Il montre, en outre, la corrélation entre longévité, cumul des sièges et capital juridique, en isolant un petit groupe de parlementaires multipositionnés connus pour avoir joué des rôles très variés dans la construction européenne, comme Fernand Dehousse, PierreHenri Teitgen et bien d'autres. Cet article repose sur une base de données regroupant plusieurs centaines de parlementaires.
La polity communautaire, plutôt que d'avoir autonomisé une sphère du politique à l'image des processus d'émergence des Étatsnations occidentaux, apparaît comme un système politique institutionnalisant sa propre hétéronomie socioéconomique. C'est l'hypothèse défendue dans cet article en prenant comme point d'entrée le travail des parlementaires européens de la commission juridique de l'Assemblée communautaire des années 1960. Les logiques sociales ainsi mises en évidence permettent de conclure sur la nature des outputs de cette commission : ces derniers brouillent la distinction public/privé au principe des ÉtatsNations.
Cet article analyse les modes de recrutement et de circulation des 95 parlementaires britanniques et danois membres du Parlement européen (MPE) avant l'instauration du suffrage universel direct en juin 1979. Il s'appuie sur une étude prosopographique approfondie des biographies collectives et relationnelles des parcours de carrières politiques de ces députés, avant et après leur double mandat en tant que MPE. L'étude comparative montre la façon dont les parlementaires européens ont circulé dans la politique nationale et européenne, et comment des possibilités élargies de carrières politiques furent ainsi intégrées dans la vie politique de ces deux populations de parlementaires.
Cet article offre un éclairage sur la réinvention de l'institution parlementaire communautaire à la suite de l'introduction du suffrage universel direct en 1979. Il analyse la stratégie discursive des élus et de leur présidente, Simone Veil, qui firent valoir leur nouvelle légitimité démocratique pour asseoir leur autorité face aux fractions des élites européennes associées aux autres institutions communautaires ou à d'autres institutions transnationales. Il montre aussi comment les nouveaux élus mobilisèrent diverses ressources pour renforcer leur stratégie de légitimation : leurs compétences budgétaires limitées, mais aussi les visites et voyages officiels orchestrés par leur présidente et leur engagement sur un thème porteur dans l'opinion, les droits de l'Homme.
« Ceci n'est pas une pipe », peignait Magritte en 1929 dans La trahison des images. À bien des égards, ceci n'est pas non plus un article sur les « partis politiques au niveau européen ». Du moins, pas tout à fait. Il ne prétend pas déterminer la nature, les fonctions ou encore les perspectives d'évolution des organisations politiques concrètes qui sont aujourd'hui reconnues sous cette appellation, mais bien proposer une étude historique et sociologique des mobilisations qui ont conduit à l'introduction de la catégorie même de partis « politiques au niveau européen » dans le traité de Maastricht en 1992.
Au sein du Parlement européen (PE), comme de l'Union européenne, la figure de l'expert apparaît comme une dimension incontournable de la définition des rôles et de la structuration de l'espace politique européen. Cet article vise à montrer que la figure de l'eurodéputé expert correspond à une illusion bien fondée, une simplification dont la crédibilité est assise sur des processus sociaux institutionnalisés. Cette construction institutionnelle est le produit de la rencontre entre un contexte et des propriétés sociales et politiques qui se cristallisent dans le rôle de l'expert. Si cette définition dominante de la fonction d'eurodéputé emporte un certain nombre de conséquences et de contraintes, elle n'en demeure pas moins soumise à des tensions et des investissements concurrents qui font de l'institutionnalisation du PE un processus dynamique.
L'article analyse le processus d'investiture des candidats aux élections européennes de 2009 pour le parti socialiste français. Il montre que la constitution des listes obéit à des logiques endogènes fortes et prend peu en compte le capital européen des impétrants. En articulant sociographie qualitative et entretiens, il s'agit ici de saisir le plus finement possible les logiques multiples et contradictoires qui président à la fabrication des listes. La faible prise en compte de l'européanisation des candidats est liée à des variables conjoncturelles et situationnelles, mais aussi à des logiques plus structurelles. La multiplication des critères en jeu en 2009 décuple les incertitudes pesant sur le processus de négociation.
Basé sur une enquête menée en 2010 auprès de responsables associatifs et administratifs, cet article analyse la manière dont la violence contre les femmes est abordée et prise en charge en Russie. Il s'interroge d'abord sur les conditions de connaissance du phénomène : alors que les chiffres des violences domestiques donnent l'image d'une Russie particulièrement violente, c'est surtout le manque de fiabilité et le flou entourant les statistiques qui est à souligner ? quant aux facteurs économiques, sociaux et culturels, ils agissent surtout comme des facteurs aggravants – tout autant que le manque de prise en charge par l'Etat. En effet, alors que se sont constituées dans les années 1990 des ONG soutenues par les organisations internationales et qui mettent en avant un modèle légaliste de l'action publique, la réponse étatique reste dispersée et fragmentaire (absence de loi, de mesures de prévention ou de protection). Dans les années 2000, alors que les associations sont affaiblies, c'est le paradigme familialiste qui semble prendre le pas en Russie, portant l'attention moins sur la violence contre les femmes que sur la violence contre les mères.