11131. REVIEW ESSAY: Suicide missions : political violence or self-sacrifice ?
- Author:
- Emmanuel-Pierre Guittet
- Publication Date:
- 09-2006
- Content Type:
- Journal Article
- Journal:
- Cultures & Conflits
- Institution:
- Cultures & Conflits
- Abstract:
- Jusqu'à une époque encore récente, le terme de « kamikaze » renvoyait surtout à toute une série de situations et d'images extraordinaires issues de la Guerre du Pacifique où des pilotes d'avions de chasse japonais s'écrasaient « volontairement » sur les bateaux de la flotte américaine, en espérant ainsi retarder l'issue d'une guerre tournant à leur désavantage. Ultimes tentatives macabres pour changer le cours du conflit ou moyen de retrouver une histoire nationale japonaise construite en partie autour du sens de l'honneur, de l'engagement guerrier ultime ? Peu importent les raisons et les conditions sociales et individuelles de ce choix de la mort, le kamikaze est aujourd'hui la représentation la plus invoquée de la mort sacrificielle, du don de soi dans un engagement politique. Mais si désormais l'usage du terme de « kamikaze » connaît un renouveau éditorial, il va souvent de pair avec les tentatives plus ou moins sérieuses de donner des éléments de compréhension à la situation conflictuelle du Proche-Orient 1 et à la multiplication du recours à l'attentat-suicide par les organisations clandestines présentées comme partie instruite à charge du «terrorisme transnational » de type Al-Qaïda. Les rayons des librairies sont de plus en plus remplis de ces ouvrages qui se disputent le sérieux de la question des répertoires de violence et la démonstration plus ou moins effrayée, au travers de la mise en série des titres de journaux, d'images et de chiffres alarmants, de l'abomination d'un « terrorisme » comme machine sacrificielle, offrant, à qui le croit, le chemin vers le vrai martyre. Est-il possible de rendre compte des raisons de ces attentats-suicides sans pour autant tomber dans l'exploitation frauduleuse du tout pathologique, stigmatisant soit la faiblesse des préposés au suicide, soit la multiplication des théories et des justifications plus ou moins indigentes promettant un meilleur monde par le sacrifice ultime de soi ? Peut-on comprendre cette violence sans verser par ailleurs dans la recherche effrénée de mécanismes rationnels ou pire, de déterminations culturalistes propres à recouvrir d'un voile pudique la compréhension ethnocentrique de ces situations de mort programmée souvent hors de notre entendement ? Le défi intellectuel est à la mesure de la fascination horrifiée que peuvent provoquer l'idée d'un individu prêt à se sacrifier au nom d'une cause, de la férocité que tout un chacun lui prêterait plus ou moins volontiers, mais aussi des dommages irréversibles sur l'assurance de chacun dans la cohésion sociale comme vecteur de la sécurité de tous. L'attentat-suicide serait-il devenu l'archétype même de l'acte brutal de violence qualifiée de « terroriste » et le kamikaze, sa figure évidente ?